Le projet de loi n°6864 de réforme du bail commercial à été adopté par la « loi du 3 février 2018 portant sur le bail commercial et modifiant certaines dispositions du Code civil » . Publiée le 6 février 2018 au Mémorial A110 , elle entre en vigueur le 1er mars 2018.
Les principales modifications du régime des baux commerciaux sont les suivantes :
1. Champ d’application
D’ emblée il est précisé dans l’ Art. 1762-3 : « Est commercial tout bail d’un immeuble destiné à l’exercice d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale. »
Ce qui inclus les centres commerciaux, les stations-services et le secteur Horeca ; mais exclus les baux à usage administratif ou affectés à l’exercice d’une profession libérale ainsi que ceux d’une durée égale ou inférieure à une année. (ex. Pop-Up Stores).
2. Durée du contrat
Dans l’optique de laisser la plus grande liberté contractuelle aux parties et de leur permettre de conclure un contrat adapté aux besoins respectifs de chacune d’elles, la loi dispose que le contrat de bail commercial pourra être conclu soit à durée déterminée , soit à durée indéterminée et non-plus 3-6-9 ans comme il était traditionnellement d’usage.
Il est à noter que les baux d’une durée inférieure ou égale à un an seront exclus du champ d’application de ces dispositions.
3. Interdiction des pas-de-porte
Cette pratique sera dorénavant interdite : « tout supplément de loyer payé au bailleur ou à l’intermédiaire en raison de la conclusion du contrat est nul de plein droit. »
4. Limitation des conditions de la sous-location
L’ article 1762-6 paragraphe 4 du Code civil prévoit que les loyers payés au preneur par le sous-locataire ne pourront être supérieurs aux loyers payés par le preneur au bailleur ; sauf en cas de sous-location où des investissements spécifiques à l’activité du sous-locataire auront été effectués par le preneur.
Attention jurisprudence !
L’ article 1762-6 paragraphe 4 du Code Civil tel qu’introduit par la loi du 3 février 2018 portant sur le bail commercial et modifiant certaines dispositions du Code civil a été déclaré contraire à l’article 11-6 alinéa 1 de la Constitution par un arrêté de la Cour Constitutionnelle en date du 23 décembre 2022.
De ce fait le législateur va être amené à légiférer sur ce texte de loi dans les semaines à venir. Cet article fera l'objet de mises à jour.
5. Garantie locative
Le montant pouvant être exigé au titre de la garantie locative par le bailleur sera limité à maximum six mois de loyers. Cette garantie locative pourra prendre la forme d’une garantie bancaire à première demande ou de la souscription de toute assurance ou de toute autre garantie permettant de couvrir six mois de loyer.
6. Sursis à déguerpissement
Le sursis commercial est supprimé et remplacé par un sursis à déguerpissement dont les conditions d’attribution sont très différentes de l’actuel sursis commercial.
Le nouveau sursis à déguerpissement implique nécessairement comme préalable un jugement ordonnant le déguerpissement du preneur.
Le juge de paix pourra ainsi désormais ordonner à la demande du preneur condamné à déguerpir ou du sous-locataire , qu’il soit sursis à l’exécution d’un jugement de déguerpissement pour une période pouvant varier de un à neuf mois , à condition que:
- (i) tous les loyers et avances sur charges échus aient été réglés au jour de la demande de sursis, et que
- (ii) le sursis ne soit accordé que dans le seul but de permettre au requérant d’organiser le déplacement de son exploitation commerciale, respectivement de répondre à ses obligations légales procédant du droit du travail.
La décision autorisant le sursis au déguerpissement forcé du locataire ne sera pas susceptible d’opposition ou d’appel.
7. Droit au renouvellement du bail
C’est une des innovations majeures de cette loi , qui consiste dans la refonte complète du régime du droit au renouvellement du bail pour le preneur.
Avec l’ancienne loi : Tout locataire d’un immeuble commercial qui y exploite un fonds de commerce , par lui-même ou ses ayants droit, a le droit d’obtenir le renouvellement de son contrat de bail par préférence à toute autre personne. Ce droit au renouvellement préférentiel, permettant au preneur d’exiger à l’échéance de son contrat de bail commercial la reconduction de celui-ci, est accordé à partir de la troisième année d’exploitation effective du fonds de commerce et jusqu’à la quinzième année de location. Passé ce délai, le preneur ne peut plus se prévaloir d’un droit au renouvellement de son bail.
Avec la nouvelle loi : Afin de renforcer la protection des preneurs, la loi donne un droit au renouvellement du bail pour le preneur sans aucune limitation de durée.
Afin de préserver les droits du bailleur, ce dernier pourra cependant s’opposer au droit au renouvellement du bail du preneur dans les hypothèses suivantes :
- (i) aux fins d’occupation personnelle par le bailleur ou par ses descendants au 1er degré ;
- (ii) en cas d’abandon de toute location aux fins d’activité identique; ou
- (iii) en cas de reconstruction ou de transformation de l’immeuble loué.
Dans l’hypothèse d’un contrat de bail à durée indéterminée, le bailleur pourra également se fonder sur l’une de ces hypothèses pour procéder à la résiliation avec préavis du contrat de bail. Il est encore à noter qu’en toutes hypothèses, le bailleur pourra procéder à la résiliation du bail avec effet immédiat en cas d’inexécution de ses obligations contractuelles par le preneur.
8. Indemnité d’éviction
En dehors des hypothèses visées ci-dessus, la nouvelle loi introduit également la possibilité pour le bailleur, après 9 années d’occupation des lieux par le preneur, de mettre en échec le droit au renouvellement de ce dernier ou de résilier le bail en payant au preneur une indemnité d’éviction.
Il convient de remarquer que l’indemnité d’éviction pourra également être réglée par un tiers, généralement le commerçant intéressé pour récupérer les lieux loués.
Concernant le montant de l’indemnité d’éviction, celui-ci pourra être librement déterminé par les parties. A défaut de clause dans le contrat de bail permettant de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction, les parties pourront saisir le juge de paix qui fixera alors le montant de l’indemnité d’éviction sur base de la valeur marchande du fonds de commerce pour l’activité en question.
9. Droit de préemption pour le preneur
La nouvelle loi innove encore par l’introduction d’un droit de préemption au profit du preneur. Ainsi, le locataire dont le bail court depuis 18 ans au moins bénéficiera d’un droit de préemption sur les locaux loués, à moins que celui-ci ne fasse l’objet d’une vente par adjudication publique ou qu’il ne soit cédé à un membre de la famille du bailleur parent ou allié jusqu’au troisième degré inclusivement ou qu’il ne fasse l’objet d’une cession gratuite.
10. Délai d’application aux contrats en cours
Les nouvelles mesures sont immédiatement applicables aux contrats de bail commercial en cours , à l’exception des dispositions relatives à la sous-location, pour lesquelles une période transitoire d’une année a été accordée.
Tableau comparatif ancienne / nouvelle législation
sources : Chambre de Commerce & Ministère de l’Économie